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Big pharma : cobayes humains
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Big pharma : cobayes humains
liens : http://www.monde-diplomatique.fr/2005/06/CHIPPAUX/12513
Médicaments sans scrupules
L’Afrique, cobaye de Big Pharma
Attirés par la faiblesse des coûts et des contrôles, les laboratoires pharmaceutiques testent leurs produits en Afrique,
au mépris de la sécurité des patients. Face à la multiplication des
accidents, certains essais ont dû être interrompus. Ces dérives
révèlent comment les industriels du médicament utilisent les
populations du Sud pour résoudre les problèmes sanitaires du Nord.
Par Jean-Philippe Chippaux
En mars 2005, les essais cliniques du Tenofovir , un antiviral utilisé
contre le sida, ont été suspendus au Nigeria, en raison de manquements
éthiques graves. Menées par l’association Family Health International
pour le compte du laboratoire américain Gilead Sciences, ces
expériences étaient financées par le gouvernement américain et par la
Fondation Bill et Melinda Gates. Si elles ont été aussi interrompues au
Cameroun (février 2005) et au Cambodge (août 2004) (1), elles se poursuivent en Thaïlande, au Botswana, au Malawi, au Ghana et aux Etats-Unis.
En août 2001, des dérives semblables ont conduit à l’ouverture d’une
action judiciaire. Une trentaine de familles nigérianes ont saisi un
tribunal new-yorkais afin de faire condamner le laboratoire américain
Pfizer pour le test du Trovan , un antibiotique destiné à lutter
contre la méningite. Au cours de cette étude, pratiquée en 1996 pendant
une épidémie de méningite, onze enfants sur deux cents avaient trouvé
la mort et plusieurs autres avaient gardé de graves séquelles
cérébrales ou motrices (2).
Partout dans les pays du Sud, des firmes pharmaceutiques
organisent des essais cliniques au mépris de l’éthique et de la
sécurité des patients : absence de consentement des sujets, information
sommaire, contrôle thérapeutique insuffisant, faible bénéfice pour le
malade ou la population... Pourtant, l’essai clinique constitue une
procédure formalisée et rigoureuse, indispensable à la validation et à
la commercialisation d’un nouveau médicament. Il sert à évaluer sa
tolérance et à mesurer son efficacité. Près de 100 000 essais cliniques
seraient conduits chaque année dans le monde, dont 10 % dans les pays
en voie de développement et 1 % en Afrique. En 1999, les fonds publics ou privés américains auraient financé 4 458 essais hors des Etats-Unis contre 271 en 1990 (3).
La « médecine des preuves », qui implique l’utilisation de
statistiques et la pratique d’essais, s’est imposée en Occident à
partir de la fin du XIXe siècle (4).
L’essor de l’éthique médicale après la seconde guerre mondiale – le
premier document en la matière est le Code de Nuremberg, adopté à la
suite du procès de médecins nazis en 1947 – ne s’est que lentement
traduit dans le domaine pharmaceutique. Au gré des scandales et des accidents, une réglementation a été élaborée.
Plusieurs déclarations internationales complètent et précisent le
Code de Nuremberg, notamment celles d’Helsinki en 1964 et de Manille en
1981 : la première définit les principes éthiques de la recherche
médicale ; la seconde a plus spécialement été conçue pour les études
cliniques menées dans les pays en voie de développement. Ces textes
insistent, en particulier, sur la compétence des investigateurs, le
respect du consentement des participants, la confidentialité et la
protection des sujets. Cependant, il s’agit de recommandations qui ne
prévoient aucune sanction.
En France, les affaires du Stalinon , un
antiseptique qui tua 102 patients en 1955, de la thalidomide,
responsable de 12 000 fœtopathies de 1957 à 1962 et du talc Morhange,
avec l’intoxication de 145 nourrissons et le décès de 36 autres en
1972, pour ne citer que les plus connus, contribuèrent à imposer les
essais cliniques et à préciser les règles les régissant. Mais il a
fallu attendre la loi Huriet-Serusclat du 20 décembre 1988 pour que les
exigences éthiques soient définitivement fixées, reconnaissant
implicitement que, pendant deux décennies, les essais cliniques ont été
conduits en toute illégalité.
Contournement des principes éthiques
En Afrique, les éventuelles réglementations médicales et pharmaceutiques datent de l’époque coloniale et apparaissent obsolètes ou inadaptées (5).
Les risques de manquements à l’éthique sont d’autant plus grands que
les laboratoires délocalisent de plus en plus leurs tests sur le
continent noir. En effet, leur coût y est jusqu’à cinq fois moindre que
dans les pays développés. En outre, les conditions épidémiologiques en Afrique
se révèlent souvent plus propices à la réalisation d’essais : fréquence
élevée de maladies, notamment infectieuses, et existence de symptômes
non atténués par des traitements itératifs et intensifs. Enfin, la
docilité des patients, en grande détresse compte tenu de la faiblesse
des structures sanitaires locales, facilite les opérations.
Ce terreau favorise le contournement des principes éthiques. C’est
ainsi que, lors de l’essai clinique du Trovan , ni les autorités
nigérianes ni le comité d’éthique n’ont été consultés, du moins
formellement, sur l’information donnée aux familles et l’obtention de
leur consentement. De même, les tests de l’antiviral Tenofovir auprès
de 400 prostituées camerounaises, de juillet 2004 à janvier 2005, ne
répondaient pas aux exigences éthiques. Cette molécule réduit la
transmission du VIS, l’équivalent du VIH, chez le singe. Le fabricant,
souhaitant vérifier cette propriété chez l’être humain, a choisi une
population à risques, les prostituées de pays à forte prévalence de
VIH, en raison de la probabilité élevée chez ces dernières de
contracter le virus.
Les volontaires, souvent francophones et illettrées, reçurent
d’abord une information écrite en anglais. Selon les associations Act
Up-Paris et le Réseau camerounais éthique, droit et sida (REDS),
certaines femmes pensaient même qu’on leur administrait un vaccin. En
outre, l’utilisation par une partie d’entre elles d’un placebo (6)
– nécessaire pour mesurer l’efficacité du médicament – ne s’est pas
accompagnée d’un renforcement de leur suivi médical et de la prévention
du sida. Curieusement, cela ne semble pas avoir alerté le comité
national d’éthique camerounais. Pourtant, rappelle M. Fabrice Pilorgé,
de l’association Act Up, « il y a un évident conflit d’intérêts entre faire de la prévention et mener un essai pour un médicament préventif » – d’autant plus, souligne-t-il, que « l’essai ne peut fonctionner que si les filles sont exposées et s’infectent ».
Les comités d’éthique ont été recommandés par l’Association médicale
mondiale dès 1964 dans la déclaration d’Helsinki. Ils doivent examiner
le protocole d’expérimentation avant l’essai, s’assurer de sa
pertinence et vérifier son applicabilité dans le contexte social et
économique des lieux où l’étude sera entreprise. Les comités se mettent
en place en Afrique très progressivement depuis une dizaine d’années, mais ne sont pas toujours pourvus des compétences et moyens nécessaires (7).
Des essais cliniques doivent pouvoir être effectués sur place, en Afrique,
compte tenu de la nature propre des pathologies qui s’y développent,
des conditions particulières de l’exercice de la médecine et de la pharmacovigilance.
Cependant, les tests pratiqués sont-ils toujours pertinents ? Sur 1 450
nouveaux médicaments commercialisés entre 1972 et 1997, 13 seulement
concernent les maladies tropicales (. C’est l’industrie pharmaceutique
elle-même qui choisit, finance et organise ces études. La sélection des
médicaments faisant l’objet d’étude et leur évaluation sont ainsi
systématiquement biaisées : d’un côté, les laboratoires se préoccupent
surtout de rentabiliser leurs investissements, de l’autre les autorités
locales peinent à définir une politique du médicament claire et
cohérente leur permettant de contrôler vraiment l’activité des
laboratoires.
L’opposition entre intérêts scientifique et commercial s’exacerbe
dans les pays en voie de développement en raison du décalage
considérable entre les enjeux industriels du médicament et la pauvreté
des pays du Sud. A la fin des années 1990, le chiffre d’affaires
mondial de l’industrie pharmaceutique (380 milliards d’euros) était supérieur au produit intérieur brut des pays d’Afrique sub-saharienne (300 milliards d’euros).
Par exemple, l’essai clinique du Trovan était peut-être justifié
scientifiquement, car il permettait d’en tester l’efficacité dans des
conditions homogènes auprès d’un nombre approprié de patients, en
l’occurrence 200 enfants. Cependant, les promoteurs du test ne se sont
préoccupés ni du coût du produit ni de ses possibilités de
commercialisation en l’absence de prise en charge ou de remboursement,
et donc de son improbable utilisation en Afrique.
On ne s’est pas davantage interrogé sur la crédibilité du Tenofovir en Afrique.
En effet, si l’essai clinique confirme le blocage de la transmission du
VIH, le Tenofovir sera proposé en prophylaxie du sida. Un tel
objectif est-il réaliste sur un continent où le traitement des malades
et l’usage du préservatif, disponible et moins coûteux, soulèvent tant
de difficultés ? La question méritait d’être posée : l’expérience de la
prophylaxie antipaludéenne a bien montré que la prise quotidienne et
permanente d’un médicament, surtout s’il est cher et que l’on se sait
en parfaite santé, est illusoire. Certains n’ont pas hésité à penser
que l’essai clinique avait été effectué dans les pays du Sud, a
fortiori chez des prostituées, parce qu’il permettait d’obtenir une
réponse rapide et décisive, sans complication administrative ni coûts
excessifs.
Certains scientifiques, tel M. Philippe Kourilsky, directeur général
de l’Institut Pasteur à Paris, soutiennent que l’urgence de répondre
aux besoins sanitaires dans le tiers-monde autorise à assouplir les
contraintes réglementaires (9).
Cependant, disqualifier le principe de précaution à cause de son coût
insinue qu’il existe un gradient géographique de critères (10).
Au Nord, la priorité serait donnée à la valeur intrinsèque du produit.
Au Sud, la sécurité serait subordonnée à la solvabilité : la population
devrait se contenter de ce qu’elle peut payer si l’efficacité est
confirmée par la pratique.
Se met ainsi en place une sorte d’impérialisme stratégique, qui
impose des règles spécifiques aux pauvres sans leur demander s’ils les
acceptent. Affirmer, comme M. Philippe Kourilsky, que se manifesterait
au contraire « une forme d’impérialisme idéologique à diffuser des règles de riches à ceux qui ne peuvent pas les endosser »
ouvre la voie à un relativisme difficilement acceptable. Des tiers – a
fortiori ceux qui définissent les règles – ne peuvent désigner qui peut
ou non « les endosser ».
Une appropriation par les Africains de l’essai clinique paraît
indispensable à la satisfaction des besoins spécifiques de la santé
publique sur le continent. Cet enjeu est d’autant plus important que
les tests peuvent aussi concerner la pharmacopée
traditionnelle, dont l’utilisation est plus économique et mieux
acceptée par la population. L’expérimentation clinique pourrait
démontrer l’innocuité et l’efficacité de remèdes valorisant ainsi le
patrimoine national. Une industrie pharmaceutique
locale pourrait en émerger. Des plantes africaines, réputées
anti-infectieuses, anti-inflammatoires ou diurétiques pourraient être
employées contre les infections, rhumatismes, hypertension ou
insuffisance cardiaque et suivre les exemples désormais fameux de la
quinine extraite du quinquina, l’aspirine provenant du saule, la
réserpine isolée d’un Rauwolfia africain et les anticancéreux issus de la pervenche de Madagascar.
Les médicaments expérimentés en Afrique
doivent correspondre aux besoins du continent. Ils devraient satisfaire
plusieurs critères spécifiques déterminés par leur future utilisation :
efficacité et innocuité du produit au regard de l’insuffisance de la pharmacovigilance
locale ; facilité d’emploi du médicament (simplicité de prescription,
d’administration et de conservation) favorisant la distribution et
l’adhésion des patients au traitement et palliant les faiblesses du
système de santé ; accessibilité du produit. Mais il s’agit surtout de
susciter une capacité locale de décision, de réalisation et de
surveillance, qui permette aux pays du Sud d’exploiter en toute
indépendance les recherches cliniques.
Jean-Philippe Chippaux.
Médicaments sans scrupules
L’Afrique, cobaye de Big Pharma
Attirés par la faiblesse des coûts et des contrôles, les laboratoires pharmaceutiques testent leurs produits en Afrique,
au mépris de la sécurité des patients. Face à la multiplication des
accidents, certains essais ont dû être interrompus. Ces dérives
révèlent comment les industriels du médicament utilisent les
populations du Sud pour résoudre les problèmes sanitaires du Nord.
Par Jean-Philippe Chippaux
En mars 2005, les essais cliniques du Tenofovir , un antiviral utilisé
contre le sida, ont été suspendus au Nigeria, en raison de manquements
éthiques graves. Menées par l’association Family Health International
pour le compte du laboratoire américain Gilead Sciences, ces
expériences étaient financées par le gouvernement américain et par la
Fondation Bill et Melinda Gates. Si elles ont été aussi interrompues au
Cameroun (février 2005) et au Cambodge (août 2004) (1), elles se poursuivent en Thaïlande, au Botswana, au Malawi, au Ghana et aux Etats-Unis.
En août 2001, des dérives semblables ont conduit à l’ouverture d’une
action judiciaire. Une trentaine de familles nigérianes ont saisi un
tribunal new-yorkais afin de faire condamner le laboratoire américain
Pfizer pour le test du Trovan , un antibiotique destiné à lutter
contre la méningite. Au cours de cette étude, pratiquée en 1996 pendant
une épidémie de méningite, onze enfants sur deux cents avaient trouvé
la mort et plusieurs autres avaient gardé de graves séquelles
cérébrales ou motrices (2).
Partout dans les pays du Sud, des firmes pharmaceutiques
organisent des essais cliniques au mépris de l’éthique et de la
sécurité des patients : absence de consentement des sujets, information
sommaire, contrôle thérapeutique insuffisant, faible bénéfice pour le
malade ou la population... Pourtant, l’essai clinique constitue une
procédure formalisée et rigoureuse, indispensable à la validation et à
la commercialisation d’un nouveau médicament. Il sert à évaluer sa
tolérance et à mesurer son efficacité. Près de 100 000 essais cliniques
seraient conduits chaque année dans le monde, dont 10 % dans les pays
en voie de développement et 1 % en Afrique. En 1999, les fonds publics ou privés américains auraient financé 4 458 essais hors des Etats-Unis contre 271 en 1990 (3).
La « médecine des preuves », qui implique l’utilisation de
statistiques et la pratique d’essais, s’est imposée en Occident à
partir de la fin du XIXe siècle (4).
L’essor de l’éthique médicale après la seconde guerre mondiale – le
premier document en la matière est le Code de Nuremberg, adopté à la
suite du procès de médecins nazis en 1947 – ne s’est que lentement
traduit dans le domaine pharmaceutique. Au gré des scandales et des accidents, une réglementation a été élaborée.
Plusieurs déclarations internationales complètent et précisent le
Code de Nuremberg, notamment celles d’Helsinki en 1964 et de Manille en
1981 : la première définit les principes éthiques de la recherche
médicale ; la seconde a plus spécialement été conçue pour les études
cliniques menées dans les pays en voie de développement. Ces textes
insistent, en particulier, sur la compétence des investigateurs, le
respect du consentement des participants, la confidentialité et la
protection des sujets. Cependant, il s’agit de recommandations qui ne
prévoient aucune sanction.
En France, les affaires du Stalinon , un
antiseptique qui tua 102 patients en 1955, de la thalidomide,
responsable de 12 000 fœtopathies de 1957 à 1962 et du talc Morhange,
avec l’intoxication de 145 nourrissons et le décès de 36 autres en
1972, pour ne citer que les plus connus, contribuèrent à imposer les
essais cliniques et à préciser les règles les régissant. Mais il a
fallu attendre la loi Huriet-Serusclat du 20 décembre 1988 pour que les
exigences éthiques soient définitivement fixées, reconnaissant
implicitement que, pendant deux décennies, les essais cliniques ont été
conduits en toute illégalité.
Contournement des principes éthiques
En Afrique, les éventuelles réglementations médicales et pharmaceutiques datent de l’époque coloniale et apparaissent obsolètes ou inadaptées (5).
Les risques de manquements à l’éthique sont d’autant plus grands que
les laboratoires délocalisent de plus en plus leurs tests sur le
continent noir. En effet, leur coût y est jusqu’à cinq fois moindre que
dans les pays développés. En outre, les conditions épidémiologiques en Afrique
se révèlent souvent plus propices à la réalisation d’essais : fréquence
élevée de maladies, notamment infectieuses, et existence de symptômes
non atténués par des traitements itératifs et intensifs. Enfin, la
docilité des patients, en grande détresse compte tenu de la faiblesse
des structures sanitaires locales, facilite les opérations.
Ce terreau favorise le contournement des principes éthiques. C’est
ainsi que, lors de l’essai clinique du Trovan , ni les autorités
nigérianes ni le comité d’éthique n’ont été consultés, du moins
formellement, sur l’information donnée aux familles et l’obtention de
leur consentement. De même, les tests de l’antiviral Tenofovir auprès
de 400 prostituées camerounaises, de juillet 2004 à janvier 2005, ne
répondaient pas aux exigences éthiques. Cette molécule réduit la
transmission du VIS, l’équivalent du VIH, chez le singe. Le fabricant,
souhaitant vérifier cette propriété chez l’être humain, a choisi une
population à risques, les prostituées de pays à forte prévalence de
VIH, en raison de la probabilité élevée chez ces dernières de
contracter le virus.
Les volontaires, souvent francophones et illettrées, reçurent
d’abord une information écrite en anglais. Selon les associations Act
Up-Paris et le Réseau camerounais éthique, droit et sida (REDS),
certaines femmes pensaient même qu’on leur administrait un vaccin. En
outre, l’utilisation par une partie d’entre elles d’un placebo (6)
– nécessaire pour mesurer l’efficacité du médicament – ne s’est pas
accompagnée d’un renforcement de leur suivi médical et de la prévention
du sida. Curieusement, cela ne semble pas avoir alerté le comité
national d’éthique camerounais. Pourtant, rappelle M. Fabrice Pilorgé,
de l’association Act Up, « il y a un évident conflit d’intérêts entre faire de la prévention et mener un essai pour un médicament préventif » – d’autant plus, souligne-t-il, que « l’essai ne peut fonctionner que si les filles sont exposées et s’infectent ».
Les comités d’éthique ont été recommandés par l’Association médicale
mondiale dès 1964 dans la déclaration d’Helsinki. Ils doivent examiner
le protocole d’expérimentation avant l’essai, s’assurer de sa
pertinence et vérifier son applicabilité dans le contexte social et
économique des lieux où l’étude sera entreprise. Les comités se mettent
en place en Afrique très progressivement depuis une dizaine d’années, mais ne sont pas toujours pourvus des compétences et moyens nécessaires (7).
Des essais cliniques doivent pouvoir être effectués sur place, en Afrique,
compte tenu de la nature propre des pathologies qui s’y développent,
des conditions particulières de l’exercice de la médecine et de la pharmacovigilance.
Cependant, les tests pratiqués sont-ils toujours pertinents ? Sur 1 450
nouveaux médicaments commercialisés entre 1972 et 1997, 13 seulement
concernent les maladies tropicales (. C’est l’industrie pharmaceutique
elle-même qui choisit, finance et organise ces études. La sélection des
médicaments faisant l’objet d’étude et leur évaluation sont ainsi
systématiquement biaisées : d’un côté, les laboratoires se préoccupent
surtout de rentabiliser leurs investissements, de l’autre les autorités
locales peinent à définir une politique du médicament claire et
cohérente leur permettant de contrôler vraiment l’activité des
laboratoires.
L’opposition entre intérêts scientifique et commercial s’exacerbe
dans les pays en voie de développement en raison du décalage
considérable entre les enjeux industriels du médicament et la pauvreté
des pays du Sud. A la fin des années 1990, le chiffre d’affaires
mondial de l’industrie pharmaceutique (380 milliards d’euros) était supérieur au produit intérieur brut des pays d’Afrique sub-saharienne (300 milliards d’euros).
Par exemple, l’essai clinique du Trovan était peut-être justifié
scientifiquement, car il permettait d’en tester l’efficacité dans des
conditions homogènes auprès d’un nombre approprié de patients, en
l’occurrence 200 enfants. Cependant, les promoteurs du test ne se sont
préoccupés ni du coût du produit ni de ses possibilités de
commercialisation en l’absence de prise en charge ou de remboursement,
et donc de son improbable utilisation en Afrique.
On ne s’est pas davantage interrogé sur la crédibilité du Tenofovir en Afrique.
En effet, si l’essai clinique confirme le blocage de la transmission du
VIH, le Tenofovir sera proposé en prophylaxie du sida. Un tel
objectif est-il réaliste sur un continent où le traitement des malades
et l’usage du préservatif, disponible et moins coûteux, soulèvent tant
de difficultés ? La question méritait d’être posée : l’expérience de la
prophylaxie antipaludéenne a bien montré que la prise quotidienne et
permanente d’un médicament, surtout s’il est cher et que l’on se sait
en parfaite santé, est illusoire. Certains n’ont pas hésité à penser
que l’essai clinique avait été effectué dans les pays du Sud, a
fortiori chez des prostituées, parce qu’il permettait d’obtenir une
réponse rapide et décisive, sans complication administrative ni coûts
excessifs.
Certains scientifiques, tel M. Philippe Kourilsky, directeur général
de l’Institut Pasteur à Paris, soutiennent que l’urgence de répondre
aux besoins sanitaires dans le tiers-monde autorise à assouplir les
contraintes réglementaires (9).
Cependant, disqualifier le principe de précaution à cause de son coût
insinue qu’il existe un gradient géographique de critères (10).
Au Nord, la priorité serait donnée à la valeur intrinsèque du produit.
Au Sud, la sécurité serait subordonnée à la solvabilité : la population
devrait se contenter de ce qu’elle peut payer si l’efficacité est
confirmée par la pratique.
Se met ainsi en place une sorte d’impérialisme stratégique, qui
impose des règles spécifiques aux pauvres sans leur demander s’ils les
acceptent. Affirmer, comme M. Philippe Kourilsky, que se manifesterait
au contraire « une forme d’impérialisme idéologique à diffuser des règles de riches à ceux qui ne peuvent pas les endosser »
ouvre la voie à un relativisme difficilement acceptable. Des tiers – a
fortiori ceux qui définissent les règles – ne peuvent désigner qui peut
ou non « les endosser ».
Une appropriation par les Africains de l’essai clinique paraît
indispensable à la satisfaction des besoins spécifiques de la santé
publique sur le continent. Cet enjeu est d’autant plus important que
les tests peuvent aussi concerner la pharmacopée
traditionnelle, dont l’utilisation est plus économique et mieux
acceptée par la population. L’expérimentation clinique pourrait
démontrer l’innocuité et l’efficacité de remèdes valorisant ainsi le
patrimoine national. Une industrie pharmaceutique
locale pourrait en émerger. Des plantes africaines, réputées
anti-infectieuses, anti-inflammatoires ou diurétiques pourraient être
employées contre les infections, rhumatismes, hypertension ou
insuffisance cardiaque et suivre les exemples désormais fameux de la
quinine extraite du quinquina, l’aspirine provenant du saule, la
réserpine isolée d’un Rauwolfia africain et les anticancéreux issus de la pervenche de Madagascar.
Les médicaments expérimentés en Afrique
doivent correspondre aux besoins du continent. Ils devraient satisfaire
plusieurs critères spécifiques déterminés par leur future utilisation :
efficacité et innocuité du produit au regard de l’insuffisance de la pharmacovigilance
locale ; facilité d’emploi du médicament (simplicité de prescription,
d’administration et de conservation) favorisant la distribution et
l’adhésion des patients au traitement et palliant les faiblesses du
système de santé ; accessibilité du produit. Mais il s’agit surtout de
susciter une capacité locale de décision, de réalisation et de
surveillance, qui permette aux pays du Sud d’exploiter en toute
indépendance les recherches cliniques.
Jean-Philippe Chippaux.
Re: Big pharma : cobayes humains
ben oui ça fait plus propre si c'est fait loin de nous !
l'homme blanc a toujours été une malédiction pour l'Afrique ....
l'homme blanc a toujours été une malédiction pour l'Afrique ....
cervesia- Messages : 1278
Date d'inscription : 12/10/2009
Age : 70
Localisation : derrière toi
Re: Big pharma : cobayes humains
dit pas l'homme blanc, il y a des noirs, des jaunes qui sont tout aussi degueulasse. c'est propre a une certaine categorie d'humain, les psycopathes. Pour nous autres, la grande majorité nous avons une conscience qui nous empecherait de faire ça meme pour devenir tres riche et pour ceux la nous passons pour n'avoir aucune ambition
captitaine jack- Messages : 251
Date d'inscription : 09/12/2009
Age : 59
Localisation : fortuna
Re: Big pharma : cobayes humains
J'ose même pas imaginer tout ce qui doit se passer dans ces pays pauvres dont tout le monde se fout...
Livingston- Messages : 612
Date d'inscription : 11/09/2009
Age : 33
Localisation : 92
Re: Big pharma : cobayes humains
ça par exemple,
captitaine jack- Messages : 251
Date d'inscription : 09/12/2009
Age : 59
Localisation : fortuna
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